Chez Minh

 


 
Une adresse qui ne paie pas de minh 

Jeudi, 18.03. Un cadre chaleureux et accueillant...Un commentaire anodin sur Facebook: "Laurent, on t'embarque prochainement dans notre expédition minhesque".  Minhesque, wablieft ? Un tour de Google plus tard, j'apprends que Tonton Minh est le propriétaire d'un resto assez célèbre à Charleroi. Spécialités vietnamiennes, première adresse de la région sur TripAdvisor, avec une note moyenne de 4,5 / 5. Bref, c'est plutôt engageant. Je fais part de mon enthousiasme à mes petits camarades, et à la lecture des commentaires trouvés sur le net, je m'imagine déjà tomber sur l'une de ces petites gargottes dont on n'osera jamais pousser la porte sans avoir été renseigné, mais où l'on mange divinement bien... Après coup, on se dira qu'au moins, une partie de ce fantasme était correcte.

Mardi soir, 20.15. Nous voilà à pied d'oeuvre, tels 7 samouraïs de l'aventure gastronomique. Il faudra bien ça pour affronter ce monument de la cuisine carolo-vietnamienne. C'est clair, on ne s'attardera pas sur la devanture ni sur le quartier. Une fois la porte poussée, c'est pas franchement mieux. Décoration kitchissime à base de tortues et langoustes naturalisées, et surtout des murs d'un bleu fadasse, sans doute à la pointe de la mode dans toutes les salles de bains du début du siècle dernier. On reste un moment dubitatifs sur les splendides nappes récupérées d'un certain Hôtel de la poste, à Falaise. C'est... cocasse. Cela dit, le restaurant est propre, et on savait très bien qu'on ne venait pas pour le cadre.

L'Horeca, ou le règne de la débrouilleOn s'installe, on discute un peu. La carte est pléthorique, comme souvent dans ce genre d'endroit. Le fameux Tonton Minh, seul en scène salle vient assez rapidement s'enquérir: apéritif ? Soyons fous, apéritif maison pour tout le monde. Dans un éclat de rire, il nous annonce: "c'est la petite maison dans la prairie". On acquiesce sans vraiment comprendre, et les apéros arrivent. Forcément, on échappera pas au petit parasol en papier, et la couleur verte de la boisson nous instruit sur la chute de la blague initiée juste avant (maison - apéritif maison, vert - prairie, voilà voilà...). Un genre de cocktail un peu sucré au goût indéfinissable. Pas transcendant, mais on a connu pire.

Au moment de commander les plats, on a déjà saisi que Tonton Minh semble avoir un faible pour les blagues dont l'action se situe largement en-dessous du nombril. Ca se confirme quelques secondes plus tard: "Aaaaah elle prend le homard, c'est parce qu'elle aime la qu..." OUIIIIIIIIIIIIIIIII Ok, on a compris, merci. C'est en tout cas limpide: à moins d'être en mode kamikaze, on pensera à éviter l'endroit pour un premier rendez-vous amoureux.

Les potages arrivent. Connaissant mon sens du sacrifice, mes convives s'assurent que je goûte à tout. Notamment: potage au nid d'hirondelle. Mouais bon, du classique de chinois basique, glutamate et poivre. Peut mieux faire. Ou encore: potage aux nouilles et boulettes de viande. Bouillon fade, boulettes au goût très prononcé, vraiment pas terrible. Ensuite les entrées, parmi lesquelles une salade de boeuf piquante: c'est déjà autre chose. Un peu fort vinaigrée et pas très relevée - en même temps, je n'ai pas précisé la vouloir fort piquante - mais correcte. Juste à côté, Phil me livre son impression sur son assiette de délices thaïlandais: beaucoup de petites bouchées frites, un peu trop cuites, mais assez bonnes visiblement. En face, Aude avait opté pour un demi-homard grillé: très moyen, surtout beaucoup trop cuit, donc sec et filandreux. Pas une franche réussite. Pour aider à descendre tout ça, on s'aventure sur un petit pichet de rouge. Très très très court en bouche, limite insipide. Voyons le bon côté des choses: on évitera les aigreurs d'estomac.

On en vient aux plats, qui relèvent un peu le niveau: l'agneau parfumé et grillé est sans doute la meilleure surprise du repas: servi façon ti-pan (sur plaque en fonte), bien épicé, et cuit comme il faut. Idem pour la marmite mongole, assez bonne bien que pas très relevée, et le canard laqué, qui fait le boulot. Pour ma part, je m'étais lancé sur une une des spécialités de la maison: le poussin entier désossé, farci, grillé et flambé au saké.

L'objet du délit: le poussin farci et désossé, grillé et flambé au saké
 
Que dire... Sincèrement, ce truc peut se retrouver dans le top 3 des pires plats que j'ai goûté de ma vie. Vous aviez remarqué vous, que une fois flambé, le saké ressemblait à s'y méprendre à de l'alcool à brûler ? Par égard pour les normes sanitaires, j'éviterai aussi de parler de la farce, mi-cuite, ce qui, pour de la viande hachée, révèle généralement un goût du risque certain.

De l'autre côté de la table, on m'encourage à goûter les fameuses nouilles du chef ("nouilles au Viagra" comme nous l'a expliqué Tonton Minh). Le sketch se poursuit: quelques légumes, un peu de poulet, et une platrée de nouilles type Instant Noodles, à peine cuites, et donc dures. Oui, dures. Dures, Viagra, vous avez saisi ? Plus de doute, on est entré dans la 4ème dimension de la cuisine. C'est d'ailleurs là que la soirée bascule dans le carrément bizarre. Joffrey s'interroge sur la présence de scampis dans sa marmite mongole (pays réputé pour l'étendue de son littoral), Greg me fait remarquer que le vin a de plus en plus le goût de l'apéro maison, tandis qu'Aude nous expose sa théorie selon laquelle derrière chaque fleuriste, se cache en réalité un proxénète et/ou un trafiquant de drogue... Bref, non seulement Tonton Minh semble assez atteint, mais en plus c'est contagieux !

On s'aventure sur les desserts. Beaucoup de citrons givrés, une banane caramélisée et flambée qui sera un nouveau prétexte - ô surprise - à une blague salace. Les desserts sont assez bons, notamment les citrons givrés: en fait, par comparaison, les préparations industrielles ont parfois des vertus insoupçonnées...

Le massage façial (intrusion nasale en bonus)Un petit saké offert par la maison, quelques blagues graveleuses sur les verres qui l'accompagnent, et voilà qu'arrivent les habituelles serviettes chaudes. A ce sujet, il faut savoir que c'est une déformation toute occidentale - limite faute de goût - que de se les appliquer sur le visage: traditionnellement, elles servent seulement à se rafraîchir les mains. Cela dit, Tonton Minh n'a pas l'air de s'en soucier beaucoup, puisque d'autorité, il nous les balance dans la tronche, et nous gratifie à tour de rôle d'un massage facial pour le moins... déroutant. Les éclats de rires fusent, les smartphones aussi, et on conclut ce repas dans la bonne humeur et le plus grand n'importe quoi. Greg, qui a depuis longtemps fait de Monsieur Minh un personnage récurrent de ses chroniques radiophoniques, prend la pose avec le maître des lieux, preuve vivante que la réalité dépasse parfois de très loin la fiction.

Au final, 192 EUR pour 7, soit un peu plus de 25 EUR par personne. Raisonnable pour une place de spectacle. Car oui, soyons beaux joueurs: on a passé une très chouette soirée, même si son intérêt principal n'était clairement pas dans l'assiette.
Verdict:
Dans l'assiette et le verre:   4,5 / 10
Côté service et accueil:   6 / 10
Pour le cadre et l'ambiance:   8 / 10
En pratique:
Adresse: Boulevard Paul Janson 26, Charleroi (6000).
Transports en commun: Les TEC Charleroi. Autant dire rien.
Site web: Pas de site mais une page - étrangement dithyrambique - sur TripAdvisor.
Téléphone : 071/32.46.33

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