A table !

J'y avais trempé mon doigt négligemment,fourchette-metal en passant, comme on laisse sa main courir dans l'eau fraîche, au fil d'une barque qui dérive sur l'eau. Je fus surpris de ce que je goutai. C'était bien une mayonnaise, et justement, cela me troublait ; brebis égarée dans le troupeau des lions, le condiment traditionnel faisait ici figure d’archaïsme saugrenu. «Qu’est-ce ?» demandai-je, en entendant par là: «Comment une simple mayonnaise de ménagère a-t-elle atterri ici ?» «Mais c’est une mayonnaise !» me répondit-il en riant. «Ne me dis pas que tu ne sais pas ce que c'est qu'une mayonnaise ?» «Une mayonnaise comme ça, toute simple ?» J’en étais presque retourné. «Oui, toute simple. Je ne connais pas de meilleur moyen de la faire: un œuf, de l’huile, du sel et du poivre.» J’insistai. «Et que va-t-elle accompagner ?» Il me regarda avec attention. «Je vais te dire, me répondit-il lentement, je vais te dire ce qu’elle va accompagner.» Et commandant à un marmiton de lui apporter des légumes et du rôti de porc froid, il s’attela aussitôt à la tâche d’éplucher les premiers…

On ne parviendra jamais à m’ôter de l’esprit que les crudités à la mayonnaise ont quelque chose de fondamentalement sexuel. La dureté du légume s’insinue dans l’onctuosité de la crème; il n’y a pas, comme dans bien des préparations, de chimie par laquelle chacun des deux aliments perd un peu de sa nature pour épouser celle de l’autre et, comme le pain et le beurre, devenir dans l’osmose une nouvelle et merveilleuse substance. Là, la mayonnaise et les légumes restent pérènnes, identiques à eux-mêmes mais, comme dans l'acte charnel, éperdus d'être ensemble. La viande quant à elle, y récolte tout de même un gain supplémentaire: c'est que ses tissus sont friables, qu'ils s'écartèlent sous la dent et se remplissent du condiment, de sorte que, ce que l'on mastique ainsi sans fausse pudeur, c'est un coeur de fermeté aspergé de velouté. A celà s'ajoute la délicatesse d'une saveur étale, car la mayonnaise ne comporte aucun mordant, aucun piment, et comme l'eau, étonne la bouche de sa neutralité affable. Puis les nuances exquises de la ronde légumière: piquant insolant du radis et du chouffleur, sucré aqueux de la tomate, acidité discrète du brocoli, largesse en bouche de la carotte, anis croquant du céleri: c'est un régal.

Barbéry, M. (2000). Une gourmandise. éditions Gallimard.


 Chères lectrices, chers lecteurs, chers gastronomes,

Soyez les bienvenus sur Foodtales. Après quelques semaines de gestation, et deux années passées à attendre dans un coin obscur d'Internet, il devenait temps pour ce blog culinaire d'enfin voir le jour. C'est maintenant chose faite, et nous espérons que vous prendrez autant de plaisir à lire nos publications, que nous avons pris de plaisir à manger pour les écrire !

La ligne éditoriale est encore en construction. Dans un premier temps, nous tenterons de chroniquer au moins un restaurant par quinzaine. Par la suite, des recettes, des articles de fond ou des focus sur des événements en particulier viendront enrichir Foodtales. De manière générale, nous vous demandons de l'indulgence pour la qualité des premières photos, encore inégale. Si elles sont réussies, c'est qu'elles ont été prises par quelqu'un de doué. Si elles sont ratées, c'est que c'est mon oeuvre. Depuis la rédaction des premiers articles, nous avons pu acquérir un appareil digne de ce nom, afin de rendre hommage aux nombreux plats et autres produits qui seront les vedettes de ce site.

Foodtales est dédié à celles et ceux qui m'ont accompagné à un moment ou un autre de ma vie, et dont la moindre des qualités fut souvent de partager avec moi l'amour du bien manger. A ma maman, que je remercie d'avoir si bien cuisiné dans mon enfance, et de m'avoir fait goûter à tout. Et à mon ami Sergio, qui, malgré une vision de la gastronomie quelque peu différente de la mienne, régale très souvent mes papilles de ses spécialités.

Merci pour votre visite, et bonnes découvertes !

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