La Sardine du Marseillais

On pourrait écrire des historiographies sur l'art et le symbole du lunch: bulle de détente et de plaisir qui s'immisce invariablement dans l'aliénante litanie des obligations professionnelles, tels les irréductibles filaments argentés qui parviennent jusqu'à nous même au plus gris de la morte saison.

Oué fieu ! Et pourtant, pour la plupart d'entre nous, le repas du midi c'est souvent: un mauvais sandwich / payé cher et vilain / avalé en deux temps / oublié en trois mouvements. Bref, l'antithèse de la gastronomie, et tout ce qu'on déteste.

Mais la fée qui a béni mon berceau devait assurément être une toffe mokske, puisqu'outre la Table qui me régale presque quotidiennement des ses sandwichs créatifs - et dont j'aurai le plaisir de vous entretenir prochainement - des rumeurs de bonnes adresses où casser la croûte le midi parviennent régulièrement jusqu'à mes blaftures. C'est dans cette heureuse série qu'un ami m'apprend que le Marseillais, sympathique kabberdouch' à pastaga - notez l'audace culturelle - posé en plein sur la Place du Jeu de Balle, a ouvert il y a peu une annexe gourmande, opportunément nommée La Sardine du Marseillais, et qui servirait d'originaux sandwichs gourmets basés sur de bons produits bien choisis. Bref, l'antithèse de la malbouffe, et tout ce qu'on adore.

Rendez-vous fut donc pris rapidement afin d'aller derechef tester l'endroit (bisous Carlo). Petit bout de Sud perdu au coeur du plus Brusseleir des quartiers de Bruxelles, la Sardine vit accolée à son Marseillais: comprenez que l'on y sert des sandwichs à emporter, dans un bâtiment distinct mais contigu au bar homonyme. A emporter ??? Amaï ! C'est qu'on est en Belgique savez-vous, que les strotjes des Marolles ne sont pas forcément bien pourvues en parc ou autres espaces verts pour aller déjeuner et puis que la drache n'est jamais loin et que c'est toujours un peu comme jouer au bingo que de risquer le lunch en plein air. Qu'à cela ne tienne, le Marseillais y a pensé, cong ! Une fois votre petit casse-dalle commandé, vous êtes cordialement invités à aller le déguster juste à côté, au-dit Marseillais donc, en dégustant une bière spéciale, une bionade, un petit café - éventuellement doublé de son petit frère suspendu, le quartier étant assez propice à la pratique - voire, un des 40 Pastis dont l'estaminet s'est fait la spécialité et que nous aborderons peut-être sans doute dans un prochain billet.

Et au juste, que nous propose-t-elle cette aguichante Sardine ? Que du bon ! Une carte de classiques et une ou deux humeurs du jour, en fonction du marché. Humeur que je m'empresse d'ailleurs de commander: jambon blanc, beurre d'Isigny, roquefort, noix, haricots verts & vinaigrette maison. J'adore. Parmi les classiques, j'avais quand même repéré le Milanais (escalope de veau panée,  parmesan, roquette, tomate, aubergines grillées, coulis de poivron) ou encore le Taleggio (rosbif, crème de taleggio, graines de courge, tomates séchées, salade). Tout ça servi généreusement - même si les sandwichs pourraient se permettre de prendre un ou deux centimètres - et garni de produits sélectionnés avec soin: œufs bio, beurre de ferme, fromages AOC. Bref, je me régale, y a comme une alchimie dans les saveurs et les textures qui me laisse cette agréable sensation de juste-trop-peu.

Evidemment, la qualité a un prix: comptez de 4 à 5,5 EUR le sandwich, et de 3,5 à 5 EUR pour la soupe du jour, petite ou grande. Pas donné, mais pleinement justifié. Sans oublier que l'endroit est ouvert 7 jours sur 7: avec le retour des beaux jours, lorsqu'il vous prendra l'envie d'aller chiner au Rommelmarkt du Jeu de Balle, c'est la bonne combo pour un tof dimanche après-midi.

Alleï j'arrête parce que rien qu'à écrire ce billet, je commence à avoir des kribbekes de faim dans le ventre. Mais awel, vous l'aurez compris, j'ai vraiment eu un boentje pour l'endroit, alors astableeft faites-moi confiance et allez y faire un tour volle petrol !