Les labels: les indications géographiques


"Dans tous les arts, le plaisir croît avec la connaissance que l'on a d'eux."

Cette citation d'Ernest Hemingway illustre parfaitement l'objet de la rubrique Fooderstanding: mieux comprendre ce que l'on a dans son assiette pour mieux l'apprécier.

Et pour inaugurer cette rubrique, un sujet dont on parle souvent mais sur lequel on se trompe encore plus souvent: les indications géographiques. D'après Wikipédia, une indication géographique est "un nom, une appellation ou un symbole appliqués à certains produits ou services qui correspond à une localisation géographique ou à une origine spécifiques."  En matière de produits alimentaires, nous en retiendrons trois: l'IGP, l'AOC et l'AOP; chacune a ses critères d'attribution et son champ d'application.

IGPL'Indication Géographique Protégée (IGP) - C'est la forme la plus simple de l'indication géographique. Il s'agit d'un label officiel de la commission européenne, créé en 1992 et qui concernait initialement des produits alimentaires portant un nom géographique et liés à leur origine géographique. Très concrètement, l'idée est de reconnaître au produit des spécificités, une qualité qui sont directement liées à son origine. Mais attention, ceci ne signifie pas forcément qu'il a été entièrement élaboré dans la région d'origine. En effet, le législateur impose seulement que "la production et/ou la transformation et/ou l'élaboration [aient] lieu dans l'aire géographique délimitée".  Le et/ou est essentiel, puisque cela signifie qu'une seule de ces trois étapes de la fabrication doit effectivement avoir lieu dans l'air géographique concernée. On comprend donc intuitivement qu'un IGP donnera de meilleures garanties pour, par exemple, un légume (puisque non-transformé), que pour un fromage.

AOCL'Appellation d'Origine Contrôlée (AOC) - C'est une catégorie au-dessus. Non seulement, on reconnaît au produit des qualités qui découlent de son origine géographique, mais on impose un cahier des charges beaucoup plus strict pour son élaboration: entre autres, et contrairement à l'IGP, c'est la production, la transformation et l'élaboration qui doivent avoir lieu dans l'aire géographique concernée. Pour le reste, les cahier des charges est spécifique à chaque produit: ainsi, les AOC fromagères précisent généralement d'où doit provenir le lait utilisé pour la fabrication, tandis que pour la viande, c'est la nourriture donnée aux animaux qui sera strictement définie. Enfin, les AOC sont généralement défendues par des associations de producteurs locaux dont le but est de préserver la réputation de leur terroir, ce qui peut constituer une garantie supplémentaire. Bref, c'est le haut du panier. A noter que l'AOC existe en France, en Suisse, au Luxembourg, en Belgique, mais aussi au Maroc et en Tunisie.

AOPL'Appellation d'Origine Protégée (AOP) - Pour simplifier: AOP = AOC. En effet, l'AOP  n'est rien d'autre qu'une initiative européenne visant à harmoniser et à regrouper sous un terme générique les différentes appellations d'origine nationales existant dans l'U.E.. Ainsi, une AOC française ou belge, ou bien une DOC - Denominazione di origine controllata - italienne sont désormais considérées comme des AOP au niveau européen. Depuis le 1er mai 2009, le logo AOP  doit d'ailleurs être apposé sur tout emballage bénéficiant d'une AOC nationale, ce qui tend a réduire la confusion et à améliorer l'information du consommateur.

C'est louable, puisque l'industrie agro-alimentaire étant ce qu'elle est, elle cherche souvent à créer la confusion, en ayant recours à des termes similaires à ceux d'appellations officielles. L'exemple le plus fameux étant le Camembert fabriqué en Normandie, très différent du Camembert de Normandie (qui est lui, une AOC). L'intérêt est évident: profiter de la réputation du Camembert AOC, avec un produit qui se contente d'être un fromage dont au moins une étape de fabrication - qui peut être l'emballage - doit avoir lieu sur le territoire de la Normandie. Depuis quelques années, l'association de défense de l'AOC Camembert de Normandie tente d'ailleurs de faire interdire ce terme trompeur de "fabriqué en Normandie", jusqu'à présent sans succès.

Un autre exemple ? Le Jambon Aoste, produit industriellement dans la ville d'Aoste en Isère (en France donc), qui se confond aisément avec le Jambon d'Aoste, de la Vallée d'Aoste en Italie, produit AOP fabriqué en très petites quantités, sous la dénomination officielle "Vallée d'Aoste Jambon de Bosses": c'est donc ce dernier terme, et lui seul, qui vous assurera d'avoir de l'authentique Jambon d'Aoste (celui d'Italie, vous suivez ?). Jusqu’il y a peu, la confusion était d'ailleurs totale puisque les deux jambons partageaient la dénomination de Jambon d'Aoste; cette situation perdurera jusqu'en 2008, date à laquelle la Commission Européenne contraint le Jambon d'Aoste - l'industriel - à être renommé en Jambon Aoste (vous suivez toujours ?). Evidemment, le maintien de la confusion était totalement délibéré, comme le montre cette publicité de 1988, jouant à fond la carte de la culture cisalpine. Pourtant, on s'en doute, il y a autant de choses en commun entre ces deux produits qu'entre une moule de Zélande et un fromage corse.

Jambon Aoste

Jambon d'Aoste

Ceci étant dit, la gastronomie n'est pas faite que de moments d'exception, et on peut parfaitement apprécier un produit industriel pour ce qu'il est; en revanche, il est essentiel de pouvoir faire ses choix en toute connaissance de cause, et de ne pas se laisser tromper par des pratiques parfois déloyales.

Dans un prochain billet, nous aborderons les labels de qualité qui ne sont pas liés à une origine géographique.

Et vous ? Prêtez-vous attention aux indications géographiques ? Êtes-vous prêt à payer de temps en temps un peu plus pour un produit de qualité "supérieure" ?

Une réaction, peut-être ?

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